Nicolas de Staël, les fusains gommés

La traversée du mur.

 

1) Composition, Paris, 1944, fusain gommé sur papier, 31 x 23 cm, Paris-Lisbonne, galerie Jeanne Bucher Jaeger.

2) Composition, 1943, fusain gommé sur papier, 33 x 22 cm. Collection particulière.

3) Composition, Paris, 1944, fusain gommé et pastel sur papier, 38 x 24,5 cm. Collection de Bueil & React-Madoux.

 

Entre 1934 et 1947, le tourmenté et perfectionniste Nicolas de Staël a beaucoup détruit de ses œuvres, des peintures et sans doute pas mal de dessins. Ces trois Compositions au fusain de 1943-1944 figurent dans son exposition rétrospective au musée d’Art moderne de la Ville de Paris (2023). Elles relèvent plus d’expérimentations que d’œuvres charnières et n’ont pas été beaucoup retenues par la critique du fait peut-être de leur tonalité si sombre, à mille lieux de son expression et de sa palette de couleur ultérieure.

 

À partir de 1942, le peintre se cherche, se confronte à la veine abstraite au contact d’autres artistes. Le catalogue de l’exposition nomme ainsi Sonia Delaunay, Henri Goetz, Christine Boumeester et particulièrement César Doméla et Alberto Magnelli avec lesquels il se liera d’amitié. En 1944, Nicolas de Staël participe même à l’exposition « Composition de matières » à la galerie l’Esquisse à Paris aux côtés de Doméla, Magnelli et Kandinsky.

 

Dans ces trois compositions au fusain, la figure ressemblante est absente. Sommes-nous dans son fameux échange ou l'entre-deux abstraction/figuration qu’il synthétise en 1952 ? « Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d'un espace ». En apparence non. Ici, de simples lignes, parfois anguleuses, créent l’espace et le modulent. Si on compare ce travail avec ceux de ses amis Doméla et Magnelli, en effet, il expérimente et même à un excellent niveau ! Sa manière est par contre tout à fait originale, le singularise de ses amis et témoigne d'une constante dans sa recherche : il recouvre son « mur » de fusain puis fait apparaître son sujet en le gommant. Un paradoxe qui traduit la quête de l’artiste à traverser ce « mur » (aussi d’angoisse) en le perçant d’étincelles de lumière et parfois d'une pointe de couleur au pastel. Il fera bien plus que cela après.

 

Un intéressant article à lire sur le fameux mur de Nicolas de Staël : Philippe Porret : Un mur de lumière, dans la revue Le Coq-Héron, 2004/3, n° 178.

 

Pour un beau panorama d'oeuvres sur papier de l'artiste : l'exposition de Oeuvres sur papier à la galerie Jeanne Bucher Jaeger.

 

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