Un « faux ami » ou une « fausse amie » est une personne qui nous a trompé à propos d'un sentiment qui est au cœur de nous-même, qui nous définit, que l'on croyait pouvoir partager de manière identique. Le photographe Dominic Turner ne compte plus ses faux amis qui relèvent, dans son cas, du sens posé sur des objets ou porté par des situations.
Mais nous sommes bien dans une affaire de ressenti. Telle une malchance qui dure encore et encore, l’homme a fait son deuil de ne pouvoir les tenir à distance et finalement a accepté de vivre avec, car ils semblent bien être partout dans ce beau livre qu’est False Friends (2023). Pour mieux s’en jouer, espérons-le.
Il ne s’agit donc pas de fuir ces faux amis, bien au contraire. Dominc Turner nous propose dans ce travail de montrer ce qu’on évite de voir dans un certain noir, mais qu’inconsciemment nous portons en nous. Les faux amis se tapissent dans l’ombre.
Ils circulent d’abord dans des frontières aux zones opaques, noires, enveloppantes, travaillées à la manière pictorialiste ou au grain. Puis, dans un entre-deux temporel. Entre un avant et un après, mais de quoi exactement ? D’une situation donnée ? D’une action en cours ? On ne sait pas, on imagine. Plus on regarde, plus une "mécanique" de l'illusion s'enclenche.
Les formes sont généralement familières, une figure, une femme, un objet (des vêtements suspendus, une échelle posée contre un mur, une barrière), une route dans un paysage. On les perçoit comme des traces ou des empreintes qui appartiennent génériquement à nous-même, à notre vie. Celles-ci, dans leur présence, sont justes, et leur force est à la mesure de leur narration qui demeure en-deçà de toute information anecdotique.
Le photographe réussit magnifiquement à fixer ces marques et l’ensemble nous emporte dans notre réalité composite à la fois tangible et spirituelle.
Tout le livre est conçu comme un voyage dans la pénombre. Le photographe signe une petite postface, dont la typographie noire sur un fond bleu éteint, oblige le lecteur à orienter le livre en fonction des reflets pour pouvoir lire à travers les ombres.
False Friends (2023) de Dominic Turner.
Le photographe vit et travaille à Dublin.
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